I. Introduction
1. Établi en application de la résolution 2409 (2018) du Conseil de sécurité, par laquelle le Conseil m’a prié de lui présenter un rapport sur le respect des engagements pris dans l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, le présent rapport donne un aperçu de l’évolution de la situation en matière de paix et de sécurité dans la région des Grands Lacs depuis la publication de mon précédent rapport (S/2018/886) et couvre la période allant du 1er septembre 2018 au 28 février 2019.
II. Principaux faits nouveaux
A. Conditions de sécurité
2. Pendant la période considérée, la paix et la stabilité dans la région des Grands Lacs ont été mises à mal par les activités des groupes armés illégaux étrangers et nationaux en République démocratique du Congo, les atteintes à la sécurité en zone transfrontalière, l’insécurité en République centrafricaine, les combats sporadiques entre les forces gouvernementales et les forces d’opposition au Soudan du Sud et les affrontements entre les forces armées burundaises et les groupes armés.
3. En République démocratique du Congo, des tensions ont été signalées avant et après les élections du 30 décembre 2018, notamment des manifestations, des violences, des affrontements entre partisans de partis opposés ainsi que la dispersion brutale de manifestants par les forces de sécurité. Sur une note plus positive, les groupes armés dont les prises de position avaient été les plus virulentes ont semble-t-il adopté une approche attentiste depuis la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle. Dans la région du Kasaï, on a enregistré pendant la même période une augmentation du nombre de membres de la milice Kamuina Nsapu qui déposent les armes. Dans la province du Maï-Ndombe, les conditions de sécurité dans le territoire de Yumbi demeurent préoccupantes, après l’éclatement de violences entre les groupes ethniques Batende et Banunu, qui, comme l’a confirmé une enquête sur les droits de l’homme, ont fait 535 morts.
4. Dans l’est de la République démocratique du Congo, des membres présumés des Forces démocratiques alliées (ADF) ont intensifié leurs attaques dans la région de Beni, ciblant des civils, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). Au moins 245 civils, dont 55 femmes et 7 enfants, ont été tués dans des attaques attribuées aux ADF en 2018. Le groupe aurait continué à recruter dans les pays de la région des Grands Lacs et au-delà. Le 12 novembre, pour prévenir une attaque potentielle contre la ville de Beni et protéger les civils, les FARDC et la MONUSCO ont lancé une opération militaire conjointe contre les ADF au cours de laquelle 13 soldats des FARDC et sept soldats de la paix des Nations Unies ont été tués. Le 20 novembre, le porte-parole militaire de l’Ouganda a annoncé le déploiement d’environ 4 000 soldats le long de la frontière avec la République démocratique du Congo pour empêcher les infiltrations et les attaques des ADF. Dans la province de l’Ituri, alors que le dialogue sur la démobilisation et le désarmement se poursuivait entre le Gouvernement et le groupe rebelle Force de résistance patriotique de l’Ituri, les parties se sont rencontrées le 20 janvier, ont examiné les questions relatives au précantonnement et aux aspects financiers et ont convenu de procéder à une évaluation de la sécurité des sites de précantonnement et de tenir des réunions avec les autorités provinciales. Dans le même temps, des sous-groupes de l’Armée de résistance du Seigneur sont devenus plus actifs dans la province du Haut-Uélé, et on a observé une recrudescence des incidents attribués à ce groupe armé au cours de la seconde moitié du mois de janvier.
5. Le 15 décembre, les FARDC ont arrêté le porte-parole et le responsable adjoint du renseignement des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), lesquels, selon les médias, ont été extradés vers le Rwanda en janvier. Bien qu’affaiblies par l’extradition et le rapatriement de combattants désarmés, les FDLR sont demeurées actives. Les 16 et 17 décembre, sept soldats des FARDC auraient été tués dans deux attaques distinctes par des individus présumés être des rebelles des FDLR. Les opérations militaires menées en décembre et en janvier contre un groupe dissident des FDLR, le Conseil national pour le renouveau et la démocratie-Ubwiyunge, ont forcé ce dernier à abandonner ses positions du Nord-Kivu et à s’installer dans le Sud-Kivu.
6. Au Burundi, la situation en matière de sécurité a été caractérisée par le maintien d’un calme relatif en dépit d’une certaine imprévisibilité et d’incidents isolés. Le 4 septembre, des individus armés non identifiés ont lancé une attaque dans la zone de la colline de Nkurubuye, dans la province de Ruyigi, le long de la frontière entre le Burundi et la République-Unie de Tanzanie. Le 19 octobre, des éléments présumés appartenir au groupe armé burundais Résistance pour un état de droit au Burundi (RED Tabara) ont attaqué une position de l’armée dans la province de Bubanza. Les forces armées burundaises ont capturé deux des assaillants, tandis que les autres se seraient enfuis en République démocratique du Congo.
7. En République centrafricaine, les conditions de sécurité demeurent précaires. Le 15 novembre, l’Union pour la paix en Centrafrique, un groupe armé affilié à l’ex-Séléka, ainsi que des civils armés, ont attaqué le camp de personnes déplacées d’Alindao. Entre 70 et 100 des quelque 18 000 civils hébergés dans le camp ont été tués. En outre, certains groupes armés ont continué d’acquérir des armes et des munitions auprès de pays voisins, comme l’a indiqué le Groupe d’experts sur la République centrafricaine dans son rapport paru sous la cote S/2018/1119.
8. Au Soudan du Sud, les combats sporadiques entre les Forces sud-soudanaises de défense du peuple et les forces d’opposition, ainsi qu’entre les groupes d’opposition, ont continué. Des violences entre différentes communautés et au sein d’une même communauté, qui ont fait des victimes parmi les civils et entraîné des déplacements, ont également été signalées.
9. Des atteintes à la sécurité transfrontalières ont été signalées dans les zones situées entre le Burundi, la République démocratique du Congo et le Rwanda, ce qui a contribué à accroître les tensions entre le Burundi et le Rwanda. Le 15 septembre, des éléments présumés appartenir aux Forces nationales de libération (FNL) seraient entrés au Burundi depuis le Sud-Kivu pour attaquer un poste frontière à Gatumba. Le 19 septembre, un dirigeant local de l’aile jeunesse du parti au pouvoir, Imbonerakure, a été tué avec son épouse près de la frontière avec le Rwanda, au cours d’une attaque que le ministère de la Sécurité publique du Burundi a attribué à un groupe armé rwandais. Le 7 octobre, des éléments armés non identifiés provenant apparemment du Rwanda ont tué trois civils dans la province de Cibitoke au Burundi. En octobre également, il y aurait eu des affrontements entre les FARDC et le FNL au Sud-Kivu. En outre, la Force de défense nationale du Burundi serait entrée au Sud-Kivu entre novembre et janvier, à la poursuite d’éléments armés burundais. Des affrontements meurtriers ont également été signalés entre la Force de défense nationale du Burundi, soutenue par Imbonerakure, et RED Tabara, ainsi que les FNL.
10. Des groupes armés ont également organisé des attaques visant le Rwanda. Le 10 décembre, les Forces combattantes abacunguzi ont effectué une incursion transfrontalière dans le village de Busesamana, dans le district de Rubavu au Rwanda, et tué au moins trois soldats, selon le Gouvernement rwandais. Le 15 décembre, des attaquants armés non identifiés, qui proviendraient du Burundi, ont lancé une attaque dans le secteur de Kitabi, dans le sud du Rwanda, mettant le feu à trois véhicules de transport de passagers et tuant deux civils. Selon le porte-parole militaire du Rwanda, trois des attaquants ont été tués et les autres ont fui au Burundi.
11. Le Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo a signalé la présence d’une coalition armée connue sous le nom de « P5 », associée à des groupes d’opposition rwandais et active au Sud-Kivu, et qui aurait reçu des armes et munitions en provenance du Burundi.
12. En septembre, le mécanisme de suivi pour le rapatriement des combattants désarmés, qui a commencé ses activités le 24 avril 2018, a facilité le rapatriement vers le Rwanda de 11 combattants désarmés des FDLR depuis le camp de transit de Walungu dans le Sud-Kivu. En novembre, 52 autres combattants désarmés des FDLR, ainsi que les personnes à leur charge, se sont portés volontaires pour être rapatriés, ce qui a porté le nombre total de combattants désarmés des FDLR rapatriés dans le cadre du mécanisme de suivi depuis avril 2018 à 98.
13. Entre le 20 et le 27 novembre, les autorités congolaises, dans le cadre d’arrangements bilatéraux avec le Gouvernement rwandais, ont rapatrié 1 392 combattants désarmés des FDLR ainsi que les personnes à leur charge, après la fermeture des camps de transit de Kanyobagonga, Kisangani et Walungu, dans l’est de la République démocratique du Congo. En outre, 242 éléments des FDLR précédemment détenus dans la prison d’Angenga, dans la province de l’Équateur, ont été remis au Rwanda. Tous les combattants désarmés ont été transférés au camp de démobilisation et de réintégration de Mutobo au Rwanda.
14. Autre évolution positive, en octobre, la coopération entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo et la MONUSCO a abouti au transfert hors des locaux de la MONUSCO des 51 membres restants du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition, qui étaient sous la garde de la Mission depuis août 2016.